L'antibiorésistance est-elle un enjeu majeur de santé publique ?

L’antibiorésistance est-elle un enjeu majeur de santé publique ?

Longtemps considérés comme des remèdes miracles, les antibiotiques ont révolutionné la médecine moderne. Pourtant, leur efficacité est aujourd’hui menacée par un phénomène préoccupant : l’antibiorésistance.

Ce terme, encore méconnu du grand public, désigne la capacité des bactéries à résister à l’action des antibiotiques. Une situation qui pourrait, à terme, nous faire revenir à l’ère pré-antibiotique, où une simple infection pouvait être mortelle.

L’antibiorésistance, ou résistance aux antibiotiques, désigne la capacité de certaines bactéries à survivre et à se multiplier malgré la présence d’un antibiotique censé les éliminer.
Il est important de rappeler que ce ne sont pas les patients qui deviennent résistants, mais bien les bactéries elles-mêmes.

L'antibiorésistance se mesure grâce à un test appelé antibiogramme.
L’antibiorésistance se mesure grâce à ce test. Si l’exposition à l’antibiotique ne génère pas de disque blanc, alors la bactérie est résistante.

Ce phénomène peut apparaître de deux façons :

De manière naturelle, par mutation génétique aléatoire. Lorsqu’une bactérie se divise, des erreurs peuvent survenir dans la copie de son ADN. Certaines de ces mutations peuvent conférer à la bactérie un avantage de survie face à un antibiotique donné. Si cette bactérie mutante est exposée à l’antibiotique, elle peut survivre, se multiplier et transmettre cette capacité de résistance à sa descendance.

Par sélection et transmission, dans un contexte d’exposition répétée ou excessive aux antibiotiques. Lorsque les antibiotiques sont utilisés de façon inappropriée (traitements trop courts, mal dosés ou non justifiés), ils éliminent les bactéries sensibles mais laissent survivre les plus résistantes. Ces dernières vont alors se multiplier. Ce phénomène accélère considérablement la propagation de la résistance au sein des populations bactériennes.

Ainsi, l’antibiorésistance n’est pas simplement une fatalité biologique : sa progression rapide est en grande partie le résultat de nos pratiques. Mieux comprendre ces mécanismes permet d’adopter des comportements responsables pour préserver l’efficacité des traitements antibiotiques.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’antibiorésistance est l’une des plus grandes menaces pour la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement. Chaque année, des centaines de milliers de décès sont déjà attribués à des infections résistantes aux traitements disponibles.

Si rien n’est fait, on estime que d’ici 2050, l’antibiorésistance pourrait causer jusqu’à 10 millions de morts par an dans le monde. Cela représenterait plus de décès que le cancer.

Les facteurs à l’origine de l’antibiorésistance sont multiples :

  • La surconsommation d’antibiotiques : de nombreux traitements sont prescrits alors qu’ils ne sont pas nécessaires, notamment pour des infections virales (contre lesquelles les antibiotiques sont inefficaces).
  • L’automédication : prendre des antibiotiques sans avis médical ou ne pas respecter les prescriptions (durée, dosage) favorise la sélection de bactéries résistantes.
  • L’usage vétérinaire : les antibiotiques sont largement utilisés dans l’élevage, parfois de manière préventive, ce qui contribue à la diffusion de résistances dans l’environnement.
  • Le manque d’hygiène et de prévention : une mauvaise gestion des infections dans les établissements de santé ou au sein de la population favorise leur propagation.
L'administration massive d'antibiotique dans l'élevage contribue également au développement de l'antibiorésistance.
L’administration massive d’antibiotique dans l’élevage contribue également au développement de l’antibiorésistance.

L’antibiorésistance complique la prise en charge de nombreuses pathologies : infections urinaires, pulmonaires, septicémies, ou encore infections post-opératoires. Certaines interventions médicales (chirurgies, chimiothérapies, greffes) pourraient devenir beaucoup plus risquées.

De plus, l’industrie pharmaceutique développe peu de nouveaux antibiotiques, et ceux qui arrivent sur le marché perdent rapidement leur efficacité.

Heureusement, il est possible d’agir. La lutte contre l’antibiorésistance passe par une mobilisation collective, impliquant les professionnels de santé, les pouvoirs publics, mais aussi chaque citoyen.

Voici quelques bonnes pratiques à adopter :

  • Ne jamais prendre d’antibiotiques sans prescription médicale.
  • Respecter scrupuleusement la posologie et la durée du traitement.
  • Ne pas exiger d’antibiotiques en cas de rhume ou de grippe.
  • Privilégier la prévention : vaccination, lavage des mains, hygiène de vie.
  • Sensibiliser son entourage à ces enjeux.

Face à l’antibiorésistance, l’inaction n’est plus une option. Ce phénomène ne connaît pas de frontières : les bactéries circulent librement, de pays en pays, d’espèce en espèce.

La solution passe donc par une approche globale appelée One Health.

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